Les guinéens et le monde entier ont été pris de cour par l’évasion spectaculaire de l’ex président du pays Capitaine Moussa Dadis Camara.
C’est en effet les bruits stridents des coups de feu qui ont écourté le sommeil des habitants de Kaloum, le centre administratif de Conakry le samedi 4 novembre dernier. A l’aube, un commando militaire lourdement armé a attaqué la prison centrale et a réussi à extraire 4 prisonniers parmi les plus célèbres et logiquement les mieux gardés.
Parmi eux, le Capitaine Moussa Dadis Camara, le colonel Moussa Tiegboro Camara, tous deux arrêtés et reconduits en prison et Claude Pivi, encore en fuite et dont le fils aurait conduit les opérations du commando.
Le capitaine a été reconduit en prison. Mais les circonstances et les conséquences de l’opération menée, samedi, à la prison centrale restent floues.
Les interrogations sur cette brève « évasion » de Dadis Camara demeurent pendantes.
Des failles dans le dispositif sécuritaire de la prison
Les observateurs se demandent comment les assaillants sont-ils arrivés à griller la politesse au dispositif sécuritaire de ce pénitentiaire considéré comme le mieux gardé de toute la Guinée, ce qui laisse supposer des failles dans le dispositif sécuritaire.
Cette évasion est d’autant plus suspecte que les quatre concernés sont tous des commanditaires présumés du massacre du 28 septembre 2009 dont le procès est en cours depuis plus d’un an. Maître Pépé Antoine Lamah, un des avocats de Dadis Camara, s’est confié aux médias guinéens en ces termes :
« Il est quand même déplacé, voire inadmissible de qualifier cette situation d’évasion. Le président Moussa Dadis Camara a été victime par des individus lourdement armés qui l’ont embarqué de force dans un véhicule, vers une destination inconnue. L’État a failli à son obligation de garantir la sécurité des détenus de la maison centrale de Conakry.»
Pourtant, Ousmane Gaoual Diallo, ministre et porte-parole du gouvernement guinéen n’écarte pas la piste : « C’est difficile à expliquer, de dire qu’ils ont été enlevés. De toute façon, les enquêtes permettront de situer les responsabilités. Ce qui est clair, c’est qu’ils n’étaient pas les seuls accusés dans ce procès qui se trouvaient dans cette maison centrale. Pourquoi ce sont ces quatre personnes, liées aux accusations, qui sont parties ? C’est les enquêtes qui permettront d’établir les faits».
Quel impact sur le procès ?
Avec cette évasion échouée, une question majeure se pose. Quel avenir pour le procès du 28 septembre?
Le ministre rassure : « Le procès était dans une phase importante, parce que de nouvelles personnes ont été inculpées et qu’elles doivent normalement être présentées à la barre. Ce sont des nouvelles personnes qui faisaient partie des autorités d’alors (à l’époque du massacre, NDLR.) et nous pensons que tout ceci devrait pouvoir se poursuivre tranquillement et c’est pour cela qu’il est important que la sécurité soit renforcée. »
Déjà, le procureur général près la Cour d’appel de Conakry a instruit « aux fins de procédure à des enquêtes sur les faits d’évasion, de détention illégale d’armes de guerre, d’association de malfaiteurs et de complicité contre Dadis Camara, Blaise Gomou, Tiegboro Camara et Claude Pivi ».
De son côté, le chef d’état-major général des armées a, dans un communiqué assuré que « toutes les dispositions sécuritaires sont prises pour retrouver le dernier fugitif, le colonel Claude Pivi ».
Les personnes arrêtées sont actuellement jugées pour leur rôle présumé dans la mort de plus de 150 personnes lors d’une manifestation en 2009.
Au moins 157 personnes sont mortes lorsque les troupes ont attaqué des manifestants contre le régime militaire. Des dizaines de femmes ont été violées.
Le colonel Pivi, le capitaine Camara et neuf autres anciens responsables inculpés du massacre ont tous nié les allégations portées contre eux.
Au sujet de cette opération, on ne sait pas encore s’ils ont été kidnappés ou libérés par leurs partisans.
Il convient de noter que le Capitaine Dadis Camara est accusé d’avoir la responsabilité de commandement à l’égard des soldats qui ont commis les crimes allégués.
Il a pris le pouvoir en 2008 à la mort du président de longue date Lansana Conté, mais il a été évincé et a fui le pays peu de temps après les meurtres de Conakry et à la suite d’une tentative d’assassinat.
L’homme de 59 ans vivait au Burkina Faso avant de retourner en Guinée en septembre 2022 pour y comparaître devant la justice.
La Guinée est actuellement sous régime militaire, l’une des nombreuses anciennes colonies françaises d’Afrique de l’ouest et du centre qui ont organisé des coups d’État au cours des trois dernières années.
La plus récente s’est produite en 2021, lorsque l’ancien soldat français le colonel Mamady Doumbouya a mené une rébellion contre le président Alpha Condé. Le colonel Doumbouya a ensuite prêté serment en tant que président.
Notons que la Guinée, pays à l’histoire politique tourmentée depuis l’indépendance vis-à-vis de la France, vient d’entrer dans la deuxième année de ce procès, pour lequel Moussa Dadis Camara était détenu depuis le début des audiences en septembre 2022.
B.G