Dans les limites de ce qui est imposé par le devoir de réserve, par les impératifs de la responsabilité morale et du devoir professionnel, nous avons évoqué à maintes reprises, il y a plus d’une décennie, l’importance d’imposer le respect de l’indépendance de la justice, ainsi que le grand avantage et tout le bien que cela implique pour le pays et le citoyen.
Cela implique l’arrêt de l’empiètement et de la domestication du pouvoir judiciaire par l’ingérence dans ses décisions à différents niveaux, en réponse à l’exigence de renforcer son indépendance, notamment par le biais de l’exécutif conformément aux dispositions constitutionnelles (24, 89 et 90).
D’ailleurs, nous avons payé un lourd tribut pour nos prises de position à l’époque…
Il y a lieu de saluer la position louable du président de la République qui a déclaré plus d’une fois « respecter l’autorité judiciaire et ses décisions, considérant qu’il n’y a pas de raison de limiter ses pouvoirs ». Cette position est conforme aux exigences de l’article 24 de la Constitution mauritanienne. Laquelle consacre le respect des valeurs d’Etat de droit, d’Etat des institutions et des valeurs républicaines et démocratiques. Cela nécessite un certain nombre d’aménagements pour l’accompagner :
Premièrement / Une précieuse opportunité de,
L’émergence de cette nouvelle prise de conscience et des attitudes subséquentes aux plus hauts niveaux de l’autorité du pays concernant « l’importance de la justice » et l’insistance sur « le respect de son indépendance… Tout cela constitue, sans aucun doute, une opportunité et un nouveau tournant pour ce pouvoir constitutionnel, comme pour les élites, les leaders d’opinion nationaux influents, les partenaires de la nation, les bailleurs de fonds… afin d’accompagner chacune de ses positions en ce sens, de consolider le climat de confiance, de renforcer l’État de droit et les institutions et d’arrêter définitivement toutes les tentatives d’ingérence dans le système judiciaire, de cesser de le rabaisser ou ce qui pourrait contribuer à échapper à l’impunité ;
Deuxièmement, la responsabilité des juges.
Nous, en tant que pouvoir judiciaire constitutionnel, devons savoir que la balle est dans notre camp et que l’indépendance réelle du pouvoir judiciaire et des juges est souhaitable. Au contraire, elle est accordée en premier lieu par les juges eux-mêmes pour eux-mêmes à travers : leur travail, leur intégrité, leur professionnalisme, et et le respect de la distance entre les différents justiciables.. Allah le Tout-Puissant a dit (En vérité, Allah ne modifie point l’état d’un peuple, tant que les [individus qui le composent] ne modifient pas ce que est en eux-mêmes) ;
Troisièmement, un pouvoir judiciaire indépendant.
C’est le plus important levier économique et pilier juridique. Notre pays fait face à des problèmes économiques majeurs et complexes. Parfois, pour les atténuer, il a recours à la demande d’annulation de la dette et à l’obtention d’aides.
Il ne fait aucun doute que l’une des raisons de ces problèmes, c’est la réticence des investisseurs étrangers à investir dans des pays qui ne disposent pas d’un pouvoir judiciaire fort, indépendant et juste. Par conséquent, soutenir l’indépendance judiciaire nous évitera de demander une aide d’urgence et nous permettra de la remplacer par l’apport de divers investissements étrangers vers notre pays, qui est riche en ressources naturelles.
Par ailleurs, l’on ne saurait envisager une protection effective des droits de l’homme sans un système judiciaire indépendant qui protège les droits et les libertés, et inflige des sanctions à tous ceux qui violent la loi.
Ainsi, soutenir l’indépendance de la justice est une nécessité dictée par l’intérêt économique et imposée par les valeurs démocratiques et républicaines, l’État de droit et l’Etat des institutions.
Par Sidi Mohamed Ould Cheina,Président du tribunal spécialisé dans la lutte contre l’esclavage, la traite des personnes et le trafic illicite de migrants