MADAR/Nouakchott/Le 18-11-2023
Libération – La Cour suprême a cassé ce vendredi 17 novembre un jugement qui remettait l’élu du Ziguinchor dans la course à la présidentielle sénégalaise. Plus tôt, la Cour de justice de la Cedeao estimait que le Sénégal n’avait «violé aucun de ses droits» en le radiant des listes électorales.
En une seule journée, deux décisions de justice sont venues éloigner un peu plus l’opposant sénégalais Ousmane Sonko d’une candidature à la présidentielle de février 2024. La Cour suprême du Sénégal a cassé ce vendredi 17 novembre un jugement qui remettait l’opposant emprisonné dans la course, précisant que l’affaire allait être rejugée, a annoncé son président Ali Ciré Ba.
«La cour casse et annule la décision du tribunal de Ziguinchor du 12 octobre et renvoie l’affaire au tribunal hors classe de Dakar» pour qu’elle soit rejugée, a-t-il déclaré.
Le mois dernier, le tribunal de Ziguinchor, la ville dont Sonko est le maire depuis 2022, avait annulé la radiation de l’opposant des listes électorales, consécutive à une affaire de mœurs. Ousmane Sonko, 49 ans, a été déclaré coupable le 1er juin de débauche de mineure et condamné à deux ans de prison ferme.
Ayant refusé de se présenter au procès qu’il dénonçait comme un complot pour l’écarter de l’élection, il a été condamné par contumace. Il a été écroué fin juillet sous d’autres chefs d’inculpation, dont appel à l’insurrection, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et atteinte à la sûreté de l’Etat.
«Cette décision ne nous arrange pas. L’affaire sera rejugée mais les parrainages seront bientôt terminés», réagit Me Babacar Ndiaye, l’un des avocats d’Ousmane Sonko. L’obtention des parrainages est une étape indispensable à la candidature à la présidentielle. «La décision est décevante», a pour sa part déclaré Me Bamba Cissé, un autre de ses avocats. Un euphémisme : cette procédure était largement considérée comme étant la dernière chance de l’opposant de participer au scrutin.
Il appelle ses partisans à la résistance
Par ailleurs, toujours ce vendredi, la Cour de justice de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a estimé que «le Sénégal n’a violé aucun des droits» d’Ousmane Sonko. La cour, qui siège à Abuja, au Nigéria, avait été saisie par les avocats d’Ousmane Sonko pour contester sa radiation des listes électorales sénégalaises.
«La Cour de justice de la Cedeao donne blanc-seing à Macky Sall (le président sénégalais) pour détruire son opposant», a réagi Me Juan Branco, un des avocats d’Ousmane Sonko. «En jugeant comme elle l’a fait, les dictateurs pourraient désormais agir comme l’Etat du Sénégal a fait et se prévaloir de la jurisprudence de la Cour», a réagi Me Ciré Clédor Ly, un autre de ses conseils.
Le bras de fer d’Ousmane Sonko avec l’Etat dans plusieurs affaires politico-judiciaires tient le Sénégal en haleine depuis deux ans et demi et a déclenché les troubles les plus meurtriers depuis des années dans le pays. Lui et ses avocats n’ont cessé de dénoncer un complot pour l’éliminer politiquement.
Son discours souverainiste et panafricaniste, ses diatribes contre «la mafia d’Etat», les multinationales et l’emprise économique et politique exercée selon lui par l’ancienne puissance coloniale française lui valent une forte adhésion chez les moins de 20 ans qui représentent la moitié de la population. Ses détracteurs voient en lui un agitateur incendiaire.
L’opposant, qui a interrompu récemment une grève de la faim, a appelé jeudi soir à la résistance, estimant que la souveraineté des Sénégalais et la «destinée de la nation» étaient en jeu ce vendredi. «Nous devons nous lever pour une justice équitable, libre et indépendante, pour le droit de vivre dans un pays sans craindre d’être arrêté et emprisonné sans justification», a-t-il déclaré sur ses réseaux sociaux.
par LIBERATION et AFP