MADAR/Nouakchott/Le 03-12-2023
Pays le plus exposé et le plus mal préparé aux changements climatiques au niveau du Maghreb, la Mauritanie est présente en force à la COP 28 à Dubai où le Président de la République M. Mohamed Ould Cheikh EL Ghazouani est présent à la tête d’une importante délégation.
Le président a participé samedi à la réunion de haut niveau sur la résilience et la désertification, une problématique qui concerne la Mauritanie au premier chef car c’est un pays aux ¾ désertique et fortement exposé aux aléas climatiques qui y sont liés.
En effet, « l’une des principales conséquences du changement climatique est l’accélération du processus de désertification et ses lourdes incidences négatives, notamment la réduction de la productivité des sols et des ressources hydriques, l’insécurité alimentaire, l’exode rural et la détérioration des conditions de vie de nos populations. » a souligné le président mauritanien au cours de cette réunion.
Il a ajouté qu’en renforçant la résilience et la productivité des écosystèmes naturels, on contribue à l’amélioration et à la durabilité des moyens de subsistance des populations, au renforcement de la sécurité alimentaire et de la croissance économique, ainsi qu’au renforcement de la stabilité et de la sécurité, conformément aux principes des agendas 2030 et 2063.
La Mauritanie victime de la faiblesse de son espace forestier qui ne représente que 0,5% du territoire
Les enjeux des changements climatiques sont énormes pour la Mauritanie car les questions environnementales, concernant la désertification notamment n’ont pas évoluées et 80% du territoire national est affecté par ce fléau.
La Mauritanie est aussi victime de la faiblesse de son espace forestier qui ne représente que 0,5% du territoire.
Il est de ce fait nécessaire de renforcer le cadre réglementaire et de systématiser les études d’impact environnemental (EIE).
Nécessité aussi d’avoir une meilleure connaissance de la biodiversité car la faune et la flore sont méconnues.
Et pourtant la Mauritanie fonde son économie sur les ressources naturelles, d’où la nécessité de renforcer le cadre réglementaire et l’importance de systématiser les études d’impact environnemental (EIE). Il faut aussi maintenir l’équilibre entre l’environnement et le développement mais aussi travailler sur l’éducation environnementale à travers un programme de gouvernance environnementale qui va impliquer tous les acteurs-clés.
Des effets dévastateurs
Les changements climatiques ont fait leur effet. C’est ainsi que les sécheresses sont de plus en plus récurrentes et destructrices. Cela affecte beaucoup les populations car 60% des mauritaniens vivent de l’agriculture et de l’élevage. La Mauritanie a un environnement fragile aussi bien les milieux côtiers, les espaces forestiers que les milieux terrestres.
Près de 50% des décès d’enfants sont liés à la dégradation de l’environnement
La pression est excessive sur des sols faméliques. De ce fait, la désertification crée comme un sentiment de fatalité. Normal car l’impact de l’environnement sur la santé humaine est criant avec une hausse du taux de prévalence dû aux vents.
Et en plus de cela, les déchets domestiques, solides et liquides et même sanitaires sont très mal gérés.
L’assainissement constitue ainsi l’un des points faibles. Par ailleurs la sécheresse induit la sous-alimentation et la mal nutrition, avec les pertes de la production agricole. Et tout cela a un coup économique exorbitant. L’hostilité du milieu naturel oblige l’Etat à investir dans le désensablement des routes.
Et le hic c’est qu’on ne parle pas assez de tous ces problèmes et la chaîne de communication se grippe au niveau des populations qui ne sont pas suffisamment informées des conséquences de la péjoration climatique.
Et pourtant la situation est grave à en croire les experts dont ceux du GIEC, qui ont tiré la sonnette d’alarme concernant la dégradation des terres, la montée des océans ; et la Mauritanie n’est pas à l’abri avec les risques de submersion de la capitale Nouakchott, un cri d’alarme déjà lancé par les spécialistes nationaux.
La construction des infrastructures portuaires est nuisible, souligne des spécialistes, qui doutent de la fiabilité des études d’impact environnemental. L’Etat à renforcer l’arsenal réglementaire afin de préserver la ZEE qui est le poumon, voire le foie même du pays.
Selon une étude publiée par un panel en décembre 2019, l’Afrique de l’Ouest pourrait perdre 80% de ses ressources halieutiques.
A Nouakchott, on déplore une urbanisation chaotique avec une mauvaise gestion des déchets et des eaux usées et les fosses septiques ont complètement pollué la nappe phréatique exposant ainsi la ville à un affaissement, un phénomène dangereux qui s’est produit à Jakarta, obligeant les autorités indonésiennes à construire une nouvelle capitale en déboursant des dizaines de milliards de dollars.
S’agissant des conséquences sociales et humaines de la dégradation du milieu naturel, on note la dislocation des familles, la déstructuration sociale avec la perte des valeurs par une jeunesse frustrée et de plus en plus tenté par les sirènes de l’immigration clandestine, du terrorisme et de tous les trafics illicites.
97% de nos calories proviennent de la terre ; l’oxygène que nous respirons provient aussi d’elle, et de la mer
Il y a aussi cette recrudescence des conflits entre usagers du milieu naturel (agriculteurs et éleveurs), qui se disputent les points d’eau et les aires de pâturage. Ce phénomène est qualifié par un spécialiste de « cancer sahélien ».
Mais malgré tout, les opportunités existent et il faut les débusquer. Pour ce faire il faut corriger la faiblesse du budget consacré à l’environnement en Mauritanie (moins de 4% du budget national). Or l’environnement constitue le fondement de l’économie nationale. Ainsi, 97% de nos calories proviennent de la terre ; l’oxygène que nous respirons provient aussi d’elle, et de la mer.
On peut aussi capitaliser la plus-value touristique car les touristes viennent pour contempler le milieu naturel. Il faut aussi voir comment on peut valoriser le sable car le monde va faire face à une pénurie de sable. En effet, certains sables du désert constituent un bon substitut pour le ciment. Le sable pourrait bien constituer une nouvelle devise monétaire. Un exemple : une société chinoise a construit son siège avec du sable ; et la même société chinoise produit du riz paddy à Boulenoir, en plein désert. Ainsi, la valorisation du sable du désert constituera une aubaine pour la Mauritanie. Il y a aussi l’importance du vent et du soleil, autres gisements importants pour la RIM. En effet, l’énergie du futur sera propre et abondante et Nouakchott a déjà une bonne autonomie dans ce domaine.
Autre opportunité, les emplois verts, l’environnement est un secteur pourvoyeur d’emplois verts. Ainsi des millions d’emplois sont nécessaires pour restituer le milieu naturel et promouvoir la paix et la sécurité.
Protéger l’économie rurale contre les prédations dont celles qui s’annoncent en perspective de l’exploitation gazière
La muraille verte par exemple est un vaste programme qui vise à restaurer 10 millions d’ha de terre par an dans la région du Sahel. C’est la plus grande structure du monde, une merveille du monde qui va transformer l’économie rurale.
Il y a l’agro-pastoralisme en Mauritanie qui gagnerait beaucoup à investir dans ce secteur qui est plus adapté que l’élevage intensif. Ainsi, l’Etat doit valoriser les produits du sous secteur de l’élevage avec le label bio et Halal. Et il va falloir alors protéger l’économie rurale contre les prédations dont celles qui s’annoncent en perspective de l’exploitation gazière.
Bakari Gueye