Le remerciement coup sur coup des directeurs généraux de la Télévision nationale et de l’Agence Mauritanienne d’Information (AMI) est un signe qui ne trompe pas.
Ces deux grandes institutions constituent en effet, en plus de la Radio nationale les 3 piliers sur lesquels repose toute la politique de communication du pouvoir.
Ces puissants moyens de communication officiellement considérés comme des médias de service public sont en réalité des vecteurs de propagande de premier plan chargées de distiller des messages savamment contrôlés destinés à abreuver l’opinion et à l’édifier sur les différents axes de la politique gouvernementale, dans le cadre du sacro-saint principe du droit à l’information garanti par la constitution.
De ce fait le choix des dirigeants de ces médias n’a jamais été fortuit. Et ce sont toujours des caciques du parti au pouvoir, des inconditionnels du système ou des hommes de confiance ayant de solides attaches au sein de l’entourage présidentiel et préformatés pour mettre en œuvre l’inamovible politique éditoriale qui réserve au président de la République un traitement royal.
Ainsi les deux directeurs récemment démis et celui de la radio toujours en poste-pour combien de temps encore ?-ont tous une expérience non négligeable au sein de la presse dite indépendante mais une fois nommés au niveau des structures publiques, ils ont rivalisé de zèle pour mettre le président de la République et sa politique sur un piédestal.
Mais cela s’est avéré insuffisant et en dessous de la moyenne. Des voix se sont en effet élevées depuis quelque temps pour juger négativement les prestations de ces médias publics qui n’en feraient pas suffisamment pour vendre les réalisations du président de la République dans le cadre de son ambitieux programme Taahoudati.
Pas étonnant quand on sait que malgré des budgets jugés colossaux, ces médias se distinguent par la pléthore de leur personnel et font face à un sérieux problème de professionnels de l’information.
La question de la restructuration de ces boites et celle du personnel majoritairement constitué de prestataires externes restent pendants.
De ce fait, la nomination à la tête de l’AMI et de la télévision nationale de deux grosses pointures du sérail politique en l’occurrence Mr Dia Moktar Malal et Mme Siniya Mint Sidi Heiba,est un signe qui ne trompe pas.
C’est à se demander s’il ne s’agit pas d’une fuite en avant, d’un maintien du statut-quo ou voire même d’une aggravation de la situation avec l’éventuelle recrudescence des recrutements à coloration politique ?
Autre question comment ces ex ministres encore puissants vont-ils se comporter avec la tutelle ?
L’on se demande par ailleurs que va-t-il advenir des importantes recommandations du Comité national de réforme de la presse dont la plupart attendent toujours dans les tiroirs et ce à un moment où une nouvelle dynamique pour la professionnalisation du secteur évolue à pas de tortue.
Quoiqu’il en soit, à moins d’un an de la prochaine élection présidentielle ces nominations hautement politiques à la tête des médias d’Etat sont une manière fort habile d’annoncer les couleurs.
Elles coïncident également avec la signature par le pouvoir et les 2 partis mythiques de l’opposition (RFD et UFP) du Pacte Républicain, un texte fort ambitieux qui prend en compte tous les grands problèmes du pays et qui au passage coupe l’herbe sous les pieds de la frange agitatrice de l’opposition.
Un joli coup politique réussi par l’équipe du président Ghazouani et qui lui balise le chemin pour une réélection confortable en 2024, un second mandat qui pourrait durer 7ans en vertu d’un blanc-seing qui serait accordé par la nouvelle opposition jugée fréquentable voire même alliée.
Bakari Gueye