La question de l’esclavage en Mauritanie : Des progrès significatifs reconnus par la communauté internationale

Par Bakari Gueye

La Mauritanie a fait des pas importants dans la lutte contre l’esclavage et ses séquelles et ce malgré le tintamarre savamment entretenu par certaines organisations non gouvernementales qui utilisent cette question à des fins mercantiles, comme un fonds de commerce.

Ces progrès se sont traduits par la classification de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) et ses relations avec les organes internationaux et régionaux des droits de l’homme. En effet, l’accréditation de la CNDH a été annoncée dans l’ordre « A » par le Comité international d’accréditation en décembre 2020 par l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme ; et ce en reconnaissance des efforts qu’elle a déployés dans le cadre de son adhésion aux Principes de Paris et de la mise en œuvre des recommandations qui lui ont été faites.Ce statut lui permet, entre autres, de participer aux travaux des institutions internationales des droits de l’homme et des organes de décision liés aux institutions nationales des droits de l’homme et de participer pleinement aux travaux de la communauté internationale visant à respecter les droits fondamentaux de l’homme.Il convient également de noter que la CNDH mène ses travaux depuis des années selon une nouvelle approche stratégique et pratique qui, de l’avis de ses partenaires, a abouti à des résultats probants.

Une nouvelle approche qui porte ses fruits

Le rôle primaire de la CNDH est de promouvoir et de mener d’une manière constante un plaidoyer en faveur de la consécration des droits de l’homme, souligne le magistrat Sidi Mohamed Ould Cheina.La nouvelle vision de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) sur la question de l’esclavage est fondée sur l’ouverture, la concertation et la transparence.

En plus de la vaste campagne de sensibilisation et de vulgarisation menée l’été 2019, la CNDH a pris une décision importante qui consiste à faire ses propres investigations sur place toutes les fois qu’un cas d’esclavage présumé est signalé par une ONG. Une enquête judiciaire est immédiatement déclenchée par la gendarmerie et les autorités judiciaires.

La CNDH a ainsi adopté une nouvelle approche pour le traitement des questions liées à l’esclavage et ses séquelles.

En vertu de cette nouvelle approche la commission s’est engagée à traiter l’esclavage, loin des discussions stériles, et à travailler sur la transformation de la discussion sur ce sujet en un travail de terrain qui conduirait à l’élimination de ce phénomène.

Dans ce contexte, la CNDH a organisé des campagnes qui ont sillonné différentes régions du pays depuis novembre 2019 afin de se mobiliser sous le slogan « Tournons la page de l’esclavage ».

La première a sillonné l’ensemble du territoire national pour vulgariser et sensibiliser les populations et les autorités sur la nécessité d’appliquer l’arsenal juridique complet et exemplaire dans la sous région.

La deuxième campagne était consacrée au mécanisme d’investigation et d’enquête sur les cas d’esclavage déclarés et ce avec l’appui technique du Bureau du haut commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

La troisième caravane vise à vulgariser le mécanisme de plaintes renforcé par le partenariat avec la coopération allemande GIZ pour les logiciels, par l’Union Européenne et le bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme pour ce qui concerne la mise en place de points focaux régionaux ainsi que la délégation de Nouadhibou.

S’ajoute à ce mécanisme de plaintes renforcé de la CNDH le numéro vert accessible à l’ensemble des citoyens pour dénoncer et signaler tout cas d’esclavage constaté dans leur entourage où qu’ils se trouvent.

Ces campagnes ont impliqués l’ensemble des partenaires y compris  les diplomates tels que l’ambassadrice de la République Fédérale d’Allemagne, l’ambassadrice des États Unis d’Amérique, l’ambassadeur de France, l’ambassadeur chef de la délégation de l’Union Européenne et le représentant du Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme qui ont pris part à certaines  étapes de ces caravanes.

Durant ces campagnes, la Commission a véhiculé largement le message et assuré à tous que l’esclavage était devenu, selon la loi mauritanienne, un crime contre l’humanité.

En effet, l’arsenal juridique mauritanien consacre le droit de l’individu, quel qu’il soit, au respect de sa dignité et interdit toute forme d’exploitation.

Et grâce à cet arsenal juridique, de tribunaux compétents, et la mobilisation des acteurs concernés, tels que la CNDH et les organisations de défense des droits de l’homme, de grands pas ont été franchis. Il ne reste plus que des efforts concertés pour résoudre le problème avec fermeté et sérieux.

Par le passé, des ONG ont parfois rapporté que des cas d’esclavage avaient été découverts et les autorités administratives, sécuritaires et judiciaires ont immédiatement ouvert une enquête. Et chaque fois que les résultats des enquêtes ne confirment pas les allégations de ces organisations, ces dernières récidivent en organisant des conférences de presse dénonçant ce qu’elles qualifient de « collusion entre les autorités et les prétendus esclavagistes ». En réponse, les autorités affirment que ces organisations utilisent cette question de l’esclavage comme un fonds de commerce.

Au milieu de cette polémique, la nouvelle approche adoptée par  la CNDH est venue orienter les efforts des deux parties vers la recherche de solutions tangibles aux cas avérés d’esclavage, loin des querelles stériles.

En mars 2020, La CNDH a contacté le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, le Forum des organisations nationales de défense des droits de l’homme et l’Association Nationale des Droits de l’Homme, et leur a demandé de la rejoindre dans une structure pour enquêter sur tout cas signalé d’esclavage.

La démarche de cette structure est de se rendre sur place et de mener des investigations sur la base de ses informations propres et de façon directe sans avoir besoin d’informations et de données d’organisations ou d’autorités non gouvernementales, une approche qui garantit l’objectivité.

Ainsi, au terme de ses investigations, cette structure pourra se faire une idée fidèle de l’affaire en question.La crédibilité de ce mécanisme ne pourrait être mise en cause car il inclut le bureau des Nations Unies en tant que conseiller technique et comprend des organisations de renom et reste ouvert à toute partie souhaitant y adhérer. Lors de sa rencontre avec les ambassadeurs en septembre 2020 à l’hôtel Monotel de Nouakchott, le Président de la CNDH avait appelé toutes les ambassades à adhérer à cette nouvelle démarche et à suivre de près les campagnes de sensibilisation et autres actions menées dans ce cadre.Une invitation avait également été adressée lors de cette réunion à Human Rights Watch et Amnesty International à se joindre à ce processus, comme gage de sa transparence.Pour la CNDH, cette approche reste le moyen le plus efficace de traiter les cas d’esclavage détectés.La présence de ce groupe d’organisations témoins garantira que les autorités ne pourront pas traiter les affaires avec légèreté ou complaisance, comme les accusent les ONG ; et d’autre part, les ONG ne pourront pas non plus en faire un fonds de commerce en signalant de faux cas d’esclavage, comme le soutiennent les autorités.

Ainsi, pour Me Ahmed Salem Ould Bouhoubeiny, Président de la CNDH : « Ce tableau complet et diversifié est une preuve incontestable de la volonté politique des autorités publiques et la disponibilité des partenaires de la Mauritanie de contribuer et d’accompagner les efforts visant à tourner définitivement la page de l’esclavage.

C’est l’occasion de se réjouir de l’approche adoptée par la Commission Nationale des droits de l’Homme de Mauritanie qui a consisté dès le départ à transformer le débat sur la question de l’esclavage en travail de terrain pour vulgariser, sensibiliser, mobiliser et offrir le cadre adéquat à l’éradication du fléau.

Nous avons évité de participer au débat relatif à l’existence ou non de l’esclavage, de son ampleur, admettons qu’il existe encore des cas d’esclavage, notre approche ouverte à tous les partenaires consiste à aller ensemble les chercher pour appliquer la loi, sanctionner les auteurs et prendre en charge les victimes.

L’approche adoptée jusque là par certains qui consiste à traiter la question avec un ton incendiaire n’a servi ni l’état ni la cause.

Personne n’est responsable de l’esclavage, personne ne doit répondre de l’esclavage je dirai même, personne ne doit rendre compte et personne à qui il convient de rendre compte, il y’a pas d’auteur et pas d’ayants droit.

Il s’agit d’un passé commun douloureux qu’il convient de regarder en face et de construire sur sa base un avenir commun.

Il s’agit d’un combat que les mauritaniens doivent mener main dans la main dans la cohésion totale et l’entente parfaite pour éradiquer l’esclavage contribuer au développement inclusif du pays en entourant d’une attention particulière à travers une approche basée sur les droits de l’homme les plus vulnérables notamment ceux qui sont écrasés par la pauvreté et l’ignorance exposés plus que quiconque à l’exploitation et à la marginalisation. C’est possible pourvu qu’on s’y mette.

J’ai entendu et bien compris les propos que j’ai eu l’honneur d’entendre de la part du Président de la République, invitant la commission nationale des droits de l’homme à jouer pleinement son rôle en toute indépendance, quand il m’a dit « nous sommes déterminés et engagés à éradiquer l’esclavage et tourner définitivement sa page dans la cohésion et la solidarité ».

Tous ces progrès sont aujourd’hui salués à leur juste valeur par la communauté internationale. En Mai 2022, à  la clôture d’une visite de 10 jours dans le pays, Tomoya Obokata, rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines d’esclavage, a appelé les autorités à prendre des mesures urgentes pour accélérer la mise en œuvre de la législation anti-esclavagiste mauritanienne et à résoudre les problèmes pratiques, juridiques, et les obstacles sociaux qui empêchent les personnes touchées par l’esclavage d’aller en justice et d’atteindre l’égalité.

« Je suis reconnaissant au Gouvernement d’avoir accueilli ma visite et de la coopération qui m’a été apportée par les plus hautes autorités, y compris le Président de la République. » a dit Obokata dans une déclaration à la presse. « J’ai été encouragé par la reconnaissance par le président lors de notre réunion que le déni de l’esclavage n’est pas la bonne approche, et son engagement déclaré à mettre fin à l’esclavage, à traduire les auteurs en justice et à favoriser l’inclusion sociale et économique des personnes anciennement réduites en esclavage. »

Depuis la dernière visite de mon mandat en 2014, la Mauritanie a pris des mesures importantes pour combattre l’esclavage et il y a une plus grande volonté de discuter ouvertement des questions d’esclavage, »

« L’adoption de la loi 2015-031 criminalisant l’esclavage et les pratiques esclavagistes a comblé de nombreuses lacunes de la précédente législation anti-esclavagiste mauritanienne. Je suis également encouragé par les efforts entrepris par le Gouvernement pour sensibiliser les praticiens de droit, la police judiciaire, les forces de sécurité, la société civile, et le public. »

Au mois de mars dernier une délégation américaine de haut niveau a visité la Mauritanie. Cette délégation américaine multisectorielle est composée de représentants des départements du Travail, des Affaires étrangères, de la Justice, du Commerce et de l’USAID. Elle est conduite par l’adjoint au représentant américain pour les affaires africaines au bureau américain au commerce, Osvaldo Gomez Martinez.

Lors de son passage au siège du tribunal chargée de lutter contre l’esclavage et ses séquelles le magistrat Cheikh Sidi Mohamed Ould Cheina qui dirige cette institution spécialisée avait fait le point sur les progrès réalisés par la Mauritanie sur cette question.

L’éminent magistrat avait souligné que : « La peine pour l’esclavage a été substantiellement rehaussée (crime contre l’humanité, imprescriptible), ce qui n’est pas le cas dans certaines grandes démocraties du monde, où l’esclavage moderne et la discrimination raciale continue de poser problème de façon récurrente devant les juridictions.
De même que des cours spécialisées dans la lutte contre l’esclavage ont été mises en place et la loi sur la lutte contre l’esclavage n° 031/2007 a été révisée par le biais de la loi contre l’esclavage n°048/2015. Le nouveau texte permet, sous certaines conditions procédurales, aux organisations de la société civile d’informer la police judiciaire (PJ) et le bureau du procureur de la République de l’existence d’un cas de violation de la loi. Cette loi accorde également à la ou aux victime(s) le principe de réparation pour réparer le préjudice consécutif au crime subi. »

A noter que le juge Ould Cheina confiant des progrès réalisés par la Mauritanie avait pressenti le retour de du pays au régime de la Loi sur la croissance et les possibilités en Afrique (AGOA).
Et suite à la publication le15 juillet 2023, des conclusions du rapport des États-Unis sur la traite des personnes pour l’année 2022 concernant la Mauritanie, il était l’un des premiers à réagir en ces termes : « Nous apprécions hautement que notre pays ait positivement franchi le seuil du niveau de censure ; Il a atteint le deuxième classement. C’est le classement qui sera considéré comme un grand gain auquel le pays aspire depuis un certain temps. Comme c’est le résultat des efforts qui ont été accomplis dans le domaine des droits de l’homme à l’intérieur du pays, il faut remercier et féliciter toutes les agences compétentes et les organisations de la société civile qui ont participé à sa réalisation, en particulier le système judiciaire national compétent.L’accès de notre pays à ce niveau d’indépendance lui permettra de renforcer la coopération avec les États-Unis d’Amérique dans le domaine des échanges commerciaux et du soutien financier. »

 

 

 

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