Les réactions à l’interview récente du président mauritanien, Mohamed Ould Ghazouani, président en exercice du G5 Sahel, avec le journal français Le Figaro, ont été partagées entre soutiens et opposants.
Sans prendre parti pour l’un ou l’autre de ces avis, je pense que l’interview a reflété une vision mauritanienne différente des modèles régionaux de la relation avec la France, sans les adopter ou s’y laisser entraîner émotionnellement.
En effet, au Burkina Faso, au Mali et au Niger, cinq coups d’État militaires ont eu lieu en peu de temps. Leur stratégie de marketing interne et régional s’est appuyée sur l’opposition à la France, en lien avec la souveraineté, la nationalisme, l’autonomie décisionnelle et la défense de l’identité et de la culture. Ce sont tous des slogans importants, mais le chemin vers leur réalisation n’est pas encore dégagé. Les nouveaux dirigeants militaires se sont simplement tournés vers l’expulsion de la France et l’arrivée de la Russie, ce qui ne résoudra aucun des problèmes existants et n’atteindra aucun des slogans soulevés.
De plus, les trois pays hostiles à la France utilisent le franc CFA, une monnaie unique pour 14 pays africains, dont 12 étaient des colonies françaises. Elle a été créée en 1945 par un accord signé par Charles de Gaulle, qui lie le franc à l’euro.
À ces deux caractéristiques communes s’ajoute le fait que les trois pays abritaient des bases militaires françaises, installées sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme.
En outre, ils ont tous connu des manifestations populaires massives contre la France et sa présence, et ont exigé son expulsion, affirmant qu’elle avait échoué dans sa mission de rétablir la sécurité et la paix et d’éradiquer les groupes armés. Cette affirmation est en grande partie valide et justifiée.
Quant à la Mauritanie, partenaire des trois pays au sein du G5 Sahel, qui a été créé en 2014 à Nouakchott avant que le Mali ne se retire en mai 2022, elle a une situation différente.
Le pays n’a pas connu de coup d’État militaire depuis plus d’un an et demi et a un système politique élu. Il se prépare maintenant à organiser des élections présidentielles, où la constitution permet au président de se présenter, et la parole sera donnée aux Mauritaniens pour le réélire ou choisir un autre candidat.
Le pays n’a pas connu d’attaque armée depuis plus d’une décennie et a une stratégie de sécurité qui est un exemple dans la région. De plus, son territoire n’abrite pas de base militaire française. Il peut y avoir une coopération militaire dans le domaine de la formation et du perfectionnement, et cela a déjà existé, mais il n’y a pas de base fixe et il n’y a pas de soldats déployés indéfiniment.
La Mauritanie a également sa propre monnaie, indépendante de la France. Et le Groupe économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dont plusieurs pays utilisent le franc CFA, n’est plus membre de Nouakchott depuis plus de deux décennies, bien qu’elle en soit à l’origine.
À cela s’ajoute le fait que la Mauritanie n’a jamais connu une seule manifestation contre la France et n’a jamais appelé à se désengager d’elle. Le pays adopte une politique de partenariats multiples, tandis que les pays mentionnés ont expulsé la France et l’ont remplacée par la Russie.
Ainsi, les comparaisons précédentes montrent les différences entre les cas, et donc nécessairement les différences dans les visions et les conceptions. Celui qui veut que la Mauritanie s’oppose à la France parce que le Mali, le Burkina Faso et le Niger l’ont expulsée, lui fait une injustice car sa situation est différente et parce que ses partenariats traditionnels avec Paris ne l’ont pas empêchée d’établir des partenariats et une coopération militaire et économique avec la Russie, ni de renforcer le partenariat et la coopération avec la Grande-Bretagne, les États-Unis, la Chine, etc.
La Mauritanie ne doit pas être jugée selon la logique et les visions d’autres pays ou peuples de la région qui ont des réalités et des contextes différents.