MADAR/Nouakchott le 15-12-2025
À l’occasion de la clôture du Forum de l’Autonomisation des Jeunes, organisé le 22 novembre dernier au Palais d’El-Mourabitounes, Son Excellence le Président de la République a annoncé sa décision de dissoudre ce qu’on appelait le « Haut Conseil de la Jeunesse », désigné officiellement sous le nom de « Conseil National de la Jeunesse ».
La décision semble avoir été largement accueillie favorablement par la majorité des jeunes ayant participé aux activités du forum organisé par le ministère de l’Autonomisation des Jeunes, de l’Emploi, des Sports et du service civique.
La question ici n’est pas de savoir si les jeunes ont salué ou non cette dissolution, car cela relève pour certains d’une réaction spontanée, et pour d’autres d’une position plus stratégique.
Cependant, il est important de rappeler que le Haut Conseil ou le conseil National de la Jeunesse, quelle que soit sa dénomination, constitue un acquis national pour l’ensemble de la jeunesse mauritanienne. Il convient donc de l’envisager comme un gain obtenu au terme d’un long parcours de luttes et de sacrifices, longtemps ignoré par les anciens systèmes politiques à cause d’un « cinquième colonne » qui négligeait les souffrances et les aspirations des jeunes, jusqu’à l’émergence du Printemps arabe qui a marqué le début d’un changement dans le monde arabe et, par ricochet, en Mauritanie.
Dans ce sens, la dissolution d’un organe consultatif dédié à la jeunesse dans un pays où la majorité de la population est jeune devrait constituer, en principe, un choc pour les jeunes, qu’ils aient participé au forum ou non. Pourquoi ? Parce qu’elle peut être interprétée comme une réduction de l’espace de participation conquis par la jeunesse.
La dissolution : recul ou opportunité de recommencer ?
Si la dissolution vise à remplacer le Conseil par un nouvel organe consultatif doté de caractéristiques plus réalistes, il s’agit alors d’un indicateur positif qui mérite d’être salué par les jeunes, tant ceux ayant participé au forum que ceux présents sur l’ensemble du territoire national.
Dans ce contexte, il faut également souligner que, malgré les difficultés et les défis rencontrés par les anciennes formations du Conseil Supérieur puis du Conseil National, ces difficultés ne provenaient pas d’importants défauts internes, mais plutôt d’un manque de préparation de l’administration pour travailler avec les jeunes et intégrer un cadre nouveau qui leur est destiné, en tant que partenaire stratégique digne de confiance, conformément à la volonté du Président de la République.
La question qui doit retenir l’attention des acteurs concernés par l’autonomisation des jeunes en Mauritanie est de développer des réponses concrètes et mesurables à deux interrogations :
- Pourquoi dissoudre cet organe consultatif à ce moment précis ?
- Et est-ce que la nouvelle architecture de l’autonomisation tient compte des raisons de cette dissolution intervenue en plein forum retransmis en direct ?
Pourquoi la dissolution maintenant ?
La composition du haut Conseil ou National des jeunes — selon l’appellation préférée du Président — a toujours été un terrain de forte polarisation dans les sphères officielles de l’État : politiques, tribales, régionales et même militaires.
Ainsi, à un moment donné, le Conseil n’a pas échappé aux tentatives du ministère de la Jeunesse de le placer sous tutelle, ni aux interventions de la section jeunesse du parti pour obtenir des positions au sein de son bureau exécutif ou de son assemblée générale, sans oublier un autre groupe de jeunes bénéficiant de différents réseaux d’influence, cherchant à obtenir un siège dans le seul organe consultatif placé sous tutelle présidentielle.
Cette forte polarisation a privé le Conseil du soutien interne et externe nécessaire à une institution naissante cherchant à s’affirmer dans un environnement instable.
Il n’est donc pas exclu que cette polarisation ait joué un rôle direct ou indirect dans la préparation des conditions de sa dissolution et dans la présentation d’alternatives au niveau de la décision présidentielle.
Quoi qu’il en soit, cela s’inscrit dans un contexte politique, culturel, social, sécuritaire et économique influençant fortement la gestion du dossier de la jeunesse et les enjeux de son autonomisation.
Les visites de terrain effectuées par le Président dans les différentes régions du pays ont largement contribué à l’élaboration d’une vision renouvelée visant à accélérer la décentralisation de l’autonomisation des jeunes.
Sa décision de créer prochainement des instances locales de concertation, qui alimenteront un cadre national appelé « Instance Technique de Coordination » et qui héritera des prérogatives du Conseil, traduit sa nouvelle approche en matière d’autonomisation.
Dès lors, quelles sont les caractéristiques du nouveau cadre jeune ? Quelles sont ses chances de réussite ? Et quels défis pourraient le ramener au point de départ ?
La nouvelle vision : de la centralisation à la concertation locale
Le Président a confirmé dans son discours que la nouvelle phase de l’autonomisation des jeunes repose sur deux composantes principales, destinées à porter la voix des jeunes au niveau local et national :
- Des Assemblées Générales Locales
Leur objectif sera :
- La sensibilisation,
- La mobilisation,
- La concertation locale,
- Le diagnostic des défis entravant l’autonomisation des jeunes,
- Et la production de rapports thématiques sur la situation de la jeunesse dans chaque wilaya.
- Une Instance Technique de Coordination
Elle aura pour mission :
- D’examiner, analyser et programmer les conclusions des rapports locaux,
- De formuler des propositions de décisions exécutables et mesurables,
- Afin de les intégrer dans les politiques publiques sectorielles en matière d’éducation, de formation professionnelle, d’emploi, de santé, de développement pastoral, de loisirs, de transformation numérique, etc.
Les atouts du nouveau cadre : vers une autonomisation réelle
La nouvelle dynamique décidée par le Président repose également sur l’existence d’un « organe consultatif local », ce qui n’avait pas été possible pour les conseils précédents faute de ressources financières ou en raison d’une faible interaction institutionnelle.
Le nouveau cadre jeune pourra bénéficier de plusieurs avantages :
- Des critères objectifs de sélection adaptés aux besoins de chaque wilaya,
- Des compétences renouvelées correspondant aux nouvelles exigences,
- Une composante de formation et d’accompagnement,
- Une réduction des risques de polarisation régionale, tribale ou bureaucratique,
- Et une meilleure proximité avec les jeunes sur le terrain.
Les défis possibles : ce qui pourrait entraver la réussite
Le nouveau cadre, dans ses composantes consultative et technique, sera confronté à plusieurs défis, notamment :
- La perception de l’administration, au niveau local et national, du droit des jeunes à la confiance et à la participation dans la conception de l’avenir du pays ;
- Une faible prise de conscience locale et nationale de l’importance du rôle des jeunes, trop souvent perçus comme un enjeu de développement repoussé ;
- Une compréhension limitée de l’autonomisation chez certains jeunes, qui la réduisent à des nominations ou à des avantages personnels.
Conclusion
En définitive, la nouvelle architecture de l’autonomisation des jeunes constitue une opportunité historique pour redéfinir la relation entre l’État et sa jeunesse.
Sa réussite dépendra :
- De l’avenir de la concertation locale,
- De l’objectivité des critères de sélection,
- Du professionnalisme du cadre de coordination,
- Et de la capacité des jeunes à mener la bataille du développement avec un esprit nouveau, loin des polarisations, en transférant le travail de développement du discours vers le terrain.






