Procès de l’ex président Aziz : Le Parquet enfonce le clou

MADAR/Nouakchott/Le 29-10-2023

L’ex président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz jugé pour corruption et détournements de fonds publics depuis le début de l’année devrait bientôt être fixé sur son sort.

Le réquisitoire du parquet qui vient de tomber requiert 20 ans de prison et 100 millions MRO d’amendes ainsi que la saisie de tous ses biens détournés.

De lourdes peines allant de 10 à 5 ans et de fortes amendes ont été également requises contre ses co-accusés.

A noter que les « héros » de la décennie noire avec à leur tête l’ex président Aziz et dont le nombre a été réduit suite à l’enquête préliminaire ont été arrêtés suite à la publication du rapport compromettant de la Commission d’enquête parlementaire. Ce rapport -qui a passé au crible les grands dossiers les plus en vue de la gabegie et des malversations à grande échelle de l’ancien régime-avait été jugé d’autant plus crédible qu’il a bénéficié de toutes les expertises nécessaires, en allant de la Cour des Comptes aux grands cabinets juridiques et financiers de réputation mondiale, entre autres le groupement Taylor Wessing (aspects juridiques), /Matine (gestion technique et opérationnelle) /Gibraltar Advisor (aspects financiers)…

Les enquêtes qui se sont basées sur les auditions des principaux acteurs et sur l’analyse de centaines de documents administratifs, juridiques et comptables ont mis en évidence l’ampleur du pillage qui a mis l’économie mauritanienne à genoux.

Et vu l’ampleur des dégâts et du nombre de personnes impliquées dès le départ -dont des membres du gouvernement et des cadres de la haute administration-, on était en droit de s’attendre à un grand procès qui allait faire date.

Toutes les institutions judiciaires et d’audit, de lutte contre la délinquance financière et économique avaient été mises en état d’alerte maximale.

Et malgré le blanchiment de l’écrasante majorité des personnes soupçonnées par le fameux rapport de la CEP, l’ex président et un groupe de ses anciens proches collaborateurs dont deux ex premiers ministres ont été présentés en janvier au parquet.

Le feu vert avait ainsi été donné pour le début de ce procès tant attendu.
C’est en effet le premier procès pour corruption de cette envergure depuis l’indépendance du pays.

Il s’agit là d’un test grandeur nature pour la justice et pour le pouvoir du président Ghazouani dont la crédibilité est engagée.

L’ex président est dans une posture délicate car ayant opté dès le départ pour le mutisme et le refus de coopérer avec les enquêteurs. Ses avocats mettent en avant son immunité et l’incompétence des tribunaux ordinaires de le juger.
Mais quoiqu’il en soit le rapport de la Commission d’Enquête Parlementaire est bien ficelé et souligne des manquements graves dans la gestion des 12 dossiers objet des investigations.
Entre autres les irrégularités flagrantes concernant le dossier de la SOMELEC avec notamment le fameux marché pour la construction « clef en main » d’un réseau d’éclairage public pour certains axes de la ville de Nouakchott.

Il ya le dossier foncier, le rapport de la commission ayant mis en exergue les conditions particulièrement opaques de cession dans le cadre d’échanges « travaux /foncier ».
Les accords commerciaux conclus avec la société chinoise Poly Hondone comportent eux aussi des irrégularités qui sont en porte à faux avec la gestion du domaine public maritime mauritanien.
Autre exemple frappant celui de ces « trois bateaux ayant bénéficié de sauf-conduits délivrés par le Ministère des Pêches reconduits chaque fois au cours de la période pour pêcher et transborder frauduleusement en haute mer leur cargaison sur le bateau collecteur Ocean Fresh. »
Et les profits engrangés sont énormes et ils ont été  réalisés au détriment de la collectivité nationale : droits de douanes compromis, impôts et taxes, redevances de la SMCP, taxes de la Zone Franche, droits du Port, le tout impayées dix années durant. « La société IPR a bénéficié en contrepartie de cette fraude d’au moins un montant de 23.918.730 dollars américains transféré en Mauritanie ou à l’étranger dans des comptes en Chine, Hong Kong, Allemagne, Irlande et Singapour (voir données en annexes). Les tonnages transbordés frauduleusement sont estimés à 280.000 tonnes. »
Dans le dossier « infrastructures », la commission a relevé 109 contrats pour un montant total de 430 milliards MRO. Et plus de 89% des marchés ont été passés par entente directe.
Dans tous les autres dossiers l’ampleur des manquements et des biens évaporés donne le tournis.
Reste à savoir si la justice tiendra compte de tous ces faits qui crèvent les yeux.

Il convient de souligner que la tenue de ce procès est en soi une victoire pour le pouvoir.

Les pilleurs des deniers publics doivent bénéficier d’un procès équitable et la justice devrait saisir les biens volés et les restituer au patrimoine de l’Etat.

Les mauritaniens ont besoin d’un procès et d’un verdict exemplaires qui feront figure d’exemple et mettront fin aux détournements des deniers publics à grande échelle, à l’impunité et à la banqueroute de l’économie nationale.
La Rédaction

spot_img
- Contenu sponsorisé -spot_img

LES PLUS LUS