Paul Kagame est décrit comme le bâtisseur du renouveau du Rwanda, qui l’a sorti des décombres de la guerre pour en faire un pays prospère. Il est passé de chef de la rébellion au Rwanda à faiseur de miracles, et son pays est aujourd’hui un exemple pour le continent africain.
En 2017, il a été réélu pour un troisième mandat présidentiel avec près de 99 % des voix, et il a annoncé il y a quelques jours qu’il se présenterait pour un quatrième mandat en 2024.
Mais Paul Kagame, qui dirige le Rwanda depuis 2000, n’a pas caché ses craintes d’un coup d’État militaire contre lui. Après le renversement du président gabonais Ali Bongo Ondimba quelques heures seulement après l’annonce de sa victoire pour un troisième mandat, il a procédé à des remaniements dans l’armée, autorisant la retraite de 83 hauts gradés, dont James Kabarebe, le principal conseiller de la présidence pour les questions de sécurité.
Les décisions de Kagame ont également inclus la retraite de 6 officiers de rang moyen, de 86 sous-officiers supérieurs, le licenciement de 160 militaires pour raisons de santé, et la promotion et la nomination d’autres officiers pour remplacer ceux dont les mandats ont pris fin.
Ces mesures reflètent le fait que Kagame ne se sent pas à l’abri de la vague de coups d’État dans la région, après 23 ans au pouvoir au cours desquels il a accompli de nombreux exploits, mais en contrepartie a régné d’une main de fer, avec des restrictions aux libertés et des persécutions contre l’opposition.
Kagame, issu de l’ethnie Tutsi, a réussi à maintenir au Rwanda des taux de croissance élevés, dépassant ainsi certains des plus grands pays du monde. Sous son règne, le Rwanda prévoit de devenir l’un des pays à revenu intermédiaire supérieur d’ici 2035, et l’un des pays à revenu élevé d’ici 2050.
En 2018, le Rwanda a progressé au classement Doing Business de la Banque mondiale, passant à la 29e place mondiale et à la deuxième place en Afrique. Cela a incité de grandes entreprises à choisir le Rwanda pour en faire un centre de production et de distribution automobile en Afrique de l’Est.
En mai 2019, le Rwanda a lancé son premier satellite, dans le cadre d’un projet global d’un coût de deux milliards de dollars. Kagame vise à faire de Kigali un centre d’innovation technologique en Afrique.
Cependant, ce bilan riche en réalisations est contrebalancé par un autre bilan d’échecs, notamment dans le domaine des droits de l’homme. Les États-Unis et certains pays occidentaux ont souvent exprimé leur inquiétude à ce sujet et ont appelé Kagame à permettre aux gens de s’exprimer librement sans craindre d’être intimidés, emprisonnés, violentés ou victimes d’autres formes de répression.
Si Paul Kagame a réussi à combler relativement le fossé entre les différentes composantes sociales et ethniques du Rwanda, en raison de ce qui a été connu comme l’une des pires atrocités humanitaires en Afrique et peut-être au monde, à savoir le « nettoyage ethnique » contre la minorité Tutsi, qui a fait près d’un million de morts, beaucoup de sédiments sont restés.
Kagame est toujours considéré comme un chef de guerre de l’ethnie Tutsi, car il a conduit le Front patriotique rwandais à la victoire sur le régime hutu lors des massacres ethniques il y a environ 30 ans.
Kagame a affirmé à plusieurs reprises son intention de rester au pouvoir au Rwanda et d’accomplir des réalisations pour le pays, tant qu’il le pourra. Il a modifié la Constitution pour lui permettre de se présenter à nouveau, mais son attachement au pouvoir est critiqué par de nombreuses personnes.
Maintenant, après avoir passé près d’un quart de siècle au pouvoir, et dans le contexte de la succession de coups d’État militaires dans la région, la candidature de Kagame à un quatrième mandat pourrait être risquée. Elle reflète également, comme celle de nombreux dirigeants africains, une culture de la rétention du pouvoir, sans laisser la place à l’expérimentation d’autres personnes.
Kagame réussira-t-il à garantir un quatrième mandat ? Ou sa candidature sera-t-elle la cause de son éviction, par les urnes ou par les armes ?