Kassataya – Il fait tard. Une heure du matin. Il fait encore chaud. Les climatiseurs se sont tus. Une épaisseur qui vient du ciel, un maigre vent qui chatouille les corps poisseux, des cris aigus au loin.
Le monde est aveugle. L’électricité est morte, on dirait. Depuis trois heures. Peut-être qu’elle ne reviendra jamais. Je sors pour faire quelques pas dans notre rue déserte. Seul le petit boutiquier est là.
Il siffle sur un verre de thé décidément chaud. Je m’assois à côté sur une chaise chancelante. Il nous arrive de converser jusque très tard dans la nuit. Il est mon horloge et mon thermomètre.
Grâce à lui je mesure le temps qu’il fait dans la tête des petites gens, surtout ceux qui viennent de loin, du désert, des oasis ou des villages perdus. Grace à lui je voyage parfois aussi dans le temps. Il me parle souvent de sa famille encore nomade.
Mais ce soir, il est fort occupé mon ami. Il dit de la poésie, il rivalise avec un de ses amis. C’est à qui réciterait le plus beau poème. Et moi qui le prenais pour un gentil inculte ! Je les écoute. Je suis transporté. C’est vrai que la poésie chez nous tient du sacré.
Le jeune homme, dans les campements, qui ne sait pas créer est vite relégué bien derrière. Les femmes composent de jolis vers d’amour.
Les hommes qui se respectent connaissent par cœur des milliers de poèmes et ils en créent nécessairement. Et tout cela est considéré comme » littérature populaire « par des versificateurs officiels qui ont zéro talent.
Mbarek Ould Beyrouk Facebook – Le 14 août 2023